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ALAIN CANET, DIRECTEUR DE L'ASSOCIATION ARBRE ET PAYSAGE 32, PRÉSIDENT DE L'ASSOCIATION FRANÇAISE D'AGROFORESTERIE (AFAF), À AUCH (32). « La génétique sera le fer de lance de l'horticulture »

PHOTO : D. GEOFFRION

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Arbre et paysage 32 conseille et informe sur les arbres « de pays » et l'agroforesterie. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Depuis vingt-six ans, nous concevons et accompagnons les projets d'aménagement comportant des plantations d'essences champêtres, et nous conseillons également sur la gestion de la végétation spontanée ou existante. L'association a depuis permis la plantation de plusieurs dizaines de milliers d'arbres et de près de mille kilomètres de haies. Nous avons également une activité de sensibilisation et d'information sur l'arbre, le paysage et l'agroforesterie.

Notre équipe se compose de dix salariés. Nous sélectionnons des sites sur le département où nous récoltons les graines, nous les nettoyons et nous les envoyons à des « naisseurs », des pépiniéristes français capables d'élever les jeunes plants (levée de dormance, stratification...). Les sélectionneurs sont des professionnels de l'aménagement formés en interne. De la graine à la plantation, nous maintenons une forte traçabilité.

Vous travaillez en milieu agricole mais également avec les collectivités.

L'association travaille avec des agriculteurs, mais aussi des villes, des paysagistes... Nous intervenons sur l'aménagement du paysage : sites urbains, milieux aquatiques (compétence Gemapi (*) transférée aux collectivités par la loi du 27 janvier), chemins de randonnées, ressource en bois de chauffage... Nous travaillons sur la régénération naturelle assistée, avec des programmes spécifiques pour les collectivités. Il s'agit de permettre à la végétation spontanée (arbres et haies champêtres associés à une strate herbacée) de s'installer le long des rivières, des chemins, des bordures de parcelles... Ainsi, laisser pousser les ronces à un endroit permet l'installation de chênes potentiellement centenaires dix ans après.

Pourquoi planter des arbres « de pays » ou champêtres ?

Les essences de pays, grâce à leur grande variabilité génétique, s'adaptent de façon permanente aux contraintes du terroir (sol, climat...). C'est pourquoi nous cherchons à produire des plants par reproduction sexuée à partir de graines récoltées sur des sites différents. Les plantes sauvages possèdent une capacité propre de résistance et de reproduction, que n'ont plus des végétaux dégénérés génétiquement et « engraissés ». Les arbres champêtres, jusqu'ici sous-estimés, ont toute leur place dans l'aménagement du paysage. Nous sommes dans une période de transition : la génétique sera bientôt le fer de lance de l'horticulture.

Les techniques aussi doivent changer. Aujourd'hui, un arbre sur deux plantés en France meurt. Les plantations ne peuvent pas être durables si on utilise des arbres sous perfusion ! Il est primordial de planter le bon arbre, au bon endroit et de la bonne manière. L'association utilise des techniques issues de l'agroforesterie : préparation du sol, paillage (BRF notamment), pas d'arrosage, ni d'engrais, ni de compost. Ce n'est pas une vision écologiste : nous n'avons pas plus de 5 % de mortalité, avec une garantie pendant trois ans. La nature humaine pense qu'il faut assister les arbres ; je pense qu'on peut faire les choses différemment. Et puis, qu'en est-il de l'énergie à faire pousser un arbre ? Elle ne devrait pas être supérieure à celle qu'il dépensera pour climatiser par exemple.

J'ai des exemples de plantations le long d'infrastructures routières où la majorité des végétaux sont morts (pour des problèmes de taille des sujets, de confusion des sols et d'essences...). Chaque protagoniste était conscient du problème mais se rejetait la balle. Il est salutaire de faire du conseil, de la formation, de l'information, du dialogue et de la mise en relation.

Vous pensez donc que les arbres champêtres sont l'avenir du paysage ?

Le paysage obéit à des modes : il y a eu les compositions florales, les graminées... Je pense que nous allons revenir aux parcs agroforestiers en ville, qui jouent à la fois un rôle de climatiseur et de conservation de la biodiversité. Il va falloir planter beaucoup d'arbres, autant le faire ensemble et bien ! Or on choisit encore trop souvent des arbres sur catalogue sans connaître les conditions dans lesquelles ils vont s'épanouir ! Il existe pourtant une quantité de plantes indigènes adaptées à des contraintes différentes : sol acide ou basique, résistance à la sécheresse, bord de cours d'eau.... Et question esthétisme, quoi de plus beau qu'un alisier torminal ? Personnellement, je préfère voir du sureau, du noisetier, des aulnes, des merisiers... plutôt qu'un Cornus de l'autre bout du monde.

Mais pour planter plus et mieux, instaurer le dialogue avec les paysagistes et les architectes est primordial. Le végétal est bien trop souvent considéré comme la cinquième roue du carosse dans un aménagement. À un moment donné, nous sommes obligés de dire : « Stop ! C'est nous qui décidons de l'emplacement des réseaux et de l'endroit où il faut planter. » Le préverdissement d'un projet, en autorisant les plantations dès que les travaux démarrent, permet de mettre tout le monde sur un même pied d'égalité : chacun est obligé de respecter les contraintes des uns et des autres. Et quand le chantier est fini, les végétaux sont déjà structurés. De plus en plus de projets sont vendus grâce à leur qualité paysagère, autant le faire valoir pour donner à la plantation la place qu'elle mérite dans le processus d'aménagement.

Que pensez-vous du label Végétal local ?

L'Association française d'agroforesterie (Afaf), dont Arbre et paysage 32 est partenaire, a travaillé sur le cahier des charges Végétal local. Il forme un socle de départ intéressant, mais qui doit évoluer. Car « local », ça ne veut rien dire, il faut entrer plus dans le détail. Le plan national de développement de l'agroforesterie, lancé officiellement en décembre dernier par le ministère de l'Agriculture, va entraîner une remise à plat de ce label.

Propos recueillis par Valérie Vidril

(*) Compétence relative à la gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations.

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